Il fallait y être ! Pas de manif, pas de gueulantes… Nous étions là entre gens bien élevés, résignés aussi, avec ce sentiment étrange que tout était plié, terminé, qu'un SOS-MCB ne servirait à rien, qu’il n’y avait plus rien à faire pour sauver la Maison de la Culture de Bourges, enfin celle que Malraux a inaugurée et que De Gaulle a visitée un an plus tard. J’avais treize ans, au garde à vous ou presque, j'étais, sur le passage de la Chambord présidentielle… Oui, je crois que c’était une Chambord…
Donc voilà, c’est en pensant au Grand Théâtre où j’ai vécu en 1968 ma première AG, aux cabarets de la chanson ; aux Monnet, Meilland, Sohier, Grange, Pollein, Thoral ; à tous ces artistes croisés là, les Ferré, Gréco, Savary, Lavilliers, Guidoni, Prucnal ; à tous les bonheurs intenses que nous avons vécus à la Macu ... que je me suis rendu à la réunion publique organisée par le futur ancien maire de Bourges dans l’espace d’exposition du grand vaisseau municipal, le chef-d’œuvre de Claude Vasconi.*
S’il y avait du monde ? Oui et non. On aurait pu rêver que le peuple serait descendu en masse dans l’arène pour dire non, qu’on aurait jamais dû démolir cette Maison. Même si c’est déjà trop tard. En fait, il y avait là, assis, autour de la tribune du maire et de son adjoint à la culture, le noyau dur des adhérents de la MCB, ceux que l’on voit à tous les spectacles. C’était une une sorte d’entre-soi... Et si on enlève les conseillers municipaux, les soutiens du maire, les Amis de la MCB, les représentants du conseil d’administration, le personnel de la Maison autour de son directeur, heureux, au premier rang, ça ne faisait pas beaucoup de Berruyers, pas beaucoup d’adhérents…
Le maire a rappelé les faits. Je ne vais pas vous donner ici le détail de son intervention, vous n’aviez qu’à venir. Il a parlé de la « boîte dans la boîte », (deux salles, l'une sur l'autre, qui peuvent fonctionner en même temps), du réhaussement nécessaire de douze mètres du caisson (« ce qui était inadmissible pour le patrimoine », cause la proximité de la cathédrale), de la nécessité de creuser pour gagner trois mètres, des appels d’offres infructueux, des incertitudes du chantier et surtout de gros sous… Seize millions au départ, je vous fais grâce des centimes, puis dix-neuf, uniquement pour la première phase, puis vingt-sept millions à la fin du chantier. Avant les fouilles…
A propos des fouilles. « Tout le monde savait qu’il y avait des vestiges ici, mais les archéologues nous avaient dit qu’il n’y aurait pas de prescription après le diagnostic. Jusqu’au juin 2012 nous en étions là… » Et puis, flop, il fallait fouiller, c'est la loi, avant d’aller plus loin. Pan sur les doigts des archéologues de mauvaise augure... Conséquence : au bas mot deux années de retard et cinq millions de plus au budget… Au total, je pose 19 et j’ajoute 6, à la louche, ce qui fait 25… pour la première phase et 33 au total, fouilles comprises cette fois, pour livrer une nouvelle MCB clé en mains… Trop cher ! « Ce n’était financièrement pas possible » a dit le maire…
D’où le nouveau projet sur la place Séraucourt… Estimé à vingt-quatre millions. Mais comme on va en dépenser cinq dans l'abandon de la réhabilitation in-situ, on ne sera pas loin des trente millions. La ministre Aurélie-de-la-Culture, en balade printanière, est venue soutenir le projet, elle a donné son feu vert et des assurances, la nouvelle MCB va être inscrite au Contrat de plan en priorité . Le concours d’architectes** va être lancé dès octobre, les travaux en juillet 2014, tout devrait être terminé en 2017…Tout le monde il est content. Les cinéphiles, car il y aura deux salles Art et Essai, les théâtreux, car Bourges aura à nouveau sa Scène nationale. Même ceux qui s’inquiètent du parking (pas une place en moins, a promis le maire) et de l'avenir des foires Jacques-Cœur, qui resteront là…
Reste les ruines de l'ancienne Maison. Il faudra lui trouver une « belle destination », réfléchir à un « beau projet culturel ». Quand ? Quand on aura payé tout le reste, pardi... Y compris le Palais des sports, dont les travaux commencent bientôt. Alors, cinq, dix, quinze ans, avant de voir la vie renaître derrière la façade classée de l'ancienne Maison du peuple ? Autant avant d'entendre à nouveau des pas et de la musique dans la salle Chopin ? Et quatre ans, minimum, avant de revoir une Maison avec de la Culture dedans, sur la place Séraucourt. Dieu nous prête vie, comme disait Jacques Cœur !
En guise de conclusion, cette phrase de Serge Lepeltier : « Au tout début nous étions pour la rénovation du site, nous y croyions. Je suis meurtri qu’on ne puisse pas le faire.» Aucune raison de ne pas croire en sa sincérité. Mais, meurtris, itou, nous sommes… un certain nombre. Pour autant, vive la prochaine Macu !
* et **. Le concours d'architectes qui sera lancé à la fin de l'année sera international. Reste à espérer que le bâtiment soit aussi marquant que le très beau Conservatoire de musique, signé Patrice de Farcy (cabinet Ivars et Ballet à Tours) et que la mairie, signée Claude Vasconi, décédé il y quatre ans.